INTERVIEW : SÉBASTIEN BÊME

INTERVIEW : SÉBASTIEN BÊME

Aujourd’hui j’ai le plaisir de vous présenter Sébastien Bême, un préparateur physique accompli et multi-casquettes.

Officiant aussi bien pour la boxe anglaise, le foot US, le Kung-Fu ou le Volley, Sébastien a développé une expérience rare en préparation physique qui lui permet aujourd’hui de toucher quasiment à tout, avec un regard critique et novateur.

Très présent sur le web, à travers tous les forums spécialistes, le site pro corpore Sano ou gymsante.eu,dont il est le créateur et le webmaster, Sébastien est aussi auteur de plusieurs articles et bouquins sur l’entraînement sportif.

Bonjour Sébastien. C’est un grand plaisir de pouvoir converser avec toi. Peux-tu te présenter tout d’abord pour ceux qui ne te connaissent pas ?

Bonjour Cédric, c’est un plaisir partagé. Je m’appelle Sébastien Bême, je viens de passer la mythique barrière des vétérans (ou des masters pour être optimiste).

Mon passé sportif est devant moi, mais pour parler d’expérience (rires), mes parents m’ont mis au sport vers 5-6 ans avec le rugby à 13 pour essayer de canaliser mon hyper-activité. J’ai dû arrêter après 3 ans quand la famille est montée sur Paris. De là, j’ai enchaîné plusieurs sports sans trouver celui qui me convenait. A l’époque du collège, je faisais notamment du cross, un peu d’athlétisme et de la musculation pour une scoliose. Au Lycée, je suis rentré dans un club d’athlétisme pour préparer les concours STAPS. J’ai ensuite arrêté toute activité sportive 5 ans après, en même temps que mes études STAPS pour un tas de mauvaises raisons. Entre-temps, j’ai appris le volley, le basket, le yoga et la natation. J’ai repris 2 années après la musculation car je ne pouvais pas me passer de sport. A cette époque du grand boum de l’internet, tous mes échanges m’ont poussé à reprendre mes études, que j’ai faites en autodidacte.

Mon expérience m’a fait progressivement penser que les efforts de force, qui me plaisent bien, sont la base des efforts de la totalité des sports. Toutes ces années durant, j’entraînais bénévolement des amis car les diplômes de l’époque me le permettaient. Depuis 3 ans, suite à un aléa professionnel, j’ai décidé de vivre de cette activité bénévole et j’ai donc passé l’obligation légale, le BPJEPS, pour avoir la carte professionnelle, et me voilà !

J’ai eu la chance, à chaque étape, de rencontrer des personnes qui m’ont permis d’avoir envie d’apprendre différemment de ce que je pouvais lire dans les magazines, les livres officiels des BEES ou de ceux que l’on nous donnait à lire en STAPS. Par exemple, mon 1er entraîneur de musculation travaillait sur la base de l’anatomie, là où les magazines vendaient du n’importe quoi et expliquait toujours pourquoi et comment le mouvement impactait sur le corps. Mon second entraîneur, issu de l’Insep, était plutôt physiologie et montait des programmes en fonction des réactions attendues à ce niveau. Là encore, il expliquait tout avec des tableaux sur tous les murs de la salle, c’était top ! Avec les moyens de l’époque, c’était totalement différent de ce que l’on pouvait voir en athlétisme ou dans les grandes chaînes commerciales de type Moving. J’ai eu ensuite comme prof de fac Monsieur Frédéric Aubert, énorme technicien en athlétisme qui donnait envie de comprendre les gestes au lieu de les reproduire bêtement.

Et enfin, mon second club d’athlétisme, l’US métro, m’a permis d’aller suivre des colloques dont un qui m’a marqué (avec John Smith) et qui m’a permis d’ouvrir les yeux sur mon comportement à l’entraînement : la quantité et le ‘no pain no gain’ étaient à mettre à la poubelle, 5 ans d’entraînements de perdus… surtout qu’à ce moment-là, la dernière année de fac, c’était 22 à 28 heures de sports toujours à fond, à fond, à fond !

On te sait officier sur plein de fronts, mais as-tu une spécialité ?

Pour moi, il n’y a pas de spécialité en préparation physique. Il y a 2 bases : la force spécifique et l’intégrité physique. Ces 2 bases sont nécessaires pour progresser et atteindre son potentiel et mon travail est centrée sur ça, à savoir que je mets progressivement en place un processus intégrant ces 2 notions au travers d’une pré-préparation physique (rééquilibre du corps) suivie de la préparation physique centrée sur la force spécifique au sport pratiqué.

Qu’est-ce qui t’a amené à choisir la voie de l’entraînement sportif ?

La réponse est clairement rien, c’est totalement le fruit du hasard. Je suis parti en filière Staps car je ne savais pas quoi faire d’autre que pratiquer du sport. A l’époque, Staps = généraliste, pas spécialiste (il n’y avait pas toutes les filières comme actuellement) et je m’ennuyais. J’ai heureusement rencontré un doctorant qui m’a fait participer (comme cobaye, puis comme porte piqûre^^) à une étude sur l’hypoxie et ça m’a plu. Ça m’a donné envie de bosser dans la recherche. Mais comme dit plus haut, les aléas m’ont fait stopper les études et le sport. Ce n’est que 2/3 ans après, quand j’ai repris la musculation et que les progrès furent visibles, que l’on a commencé à me demander des conseils. De fil en aiguille, j’ai entraîné pour le plaisir à la condition que les potes me laissent tester sur eux ce que j’apprenais.

Mais l’entraînement n’est clairement pas ce qui me fait triper. Trouver la solution au problème est ce qu’il y a de plus marrant. Une fois qu’elle est trouvée, l’entraînement n’est que la mise en application et ce n’est pas très intéressant (de mon point de vue). Sauf si les athlètes sont particuliers et qu’il se passe quelque chose à l’entraînement. C’est pour cela que je travaille plus par Internet qu’en direct : chaque compte rendu, chaque vidéo me permet de rechercher des problèmes en amont et donc de trouver la solution. En direct, la réponse est souvent évidente et on corrige sur place et c’est terminé.

Peux-tu nous décrire ta journée-type de travail ?

Je suis entre deux puisque je vais bientôt déménager sur le Bassin d’Arcachon. J’ai donc arrêté la prospection de nouveaux athlètes et je termine les contrats en cours pour les entraînements en direct.

Donc depuis début janvier, ma journée se décompose en 5-6 heures de rédactions d’articles pour différents sites et 2 à 3 heures d’entraînements pour les athlètes que je suis en direct ou de travail sur ceux à distance. Il y a aussi 2 heures d’entraînement perso ou 2 heures de recherches (je continue en permanence à apprendre) ou 2 heures de rédactions d’articles si j’ai du retard selon les jours. Le Week-end c’est plutôt la partie écriture personnelle (5 heures par jour). J’écris mes articles pour mes propres sites, les livres en cours et je rattrape le retard de la semaine s’il existe. Ça me fait de bonnes semaines à 60 heures. Mais comme je suis insomniaque et que c’est le volume hebdomadaire que j’ai depuis plus de 10 ans, ça passe bien.

Si tu devais réinventer la préparation physique des sports collectifs en France, quels seraient tes choix ?

Tu veux dire mise à part tout faire exploser pour repartir sur des bases saines (Rires)? Déjà j’interdirai les termes trop vieux qui ne veulent plus rien dire (chaque sport donne sa propre définition) comme PPG, PPS, PPO et autres déclinaisons bizarres.

J’interdirai aux spécialistes d’un sport d’être préparateur physique de ce sport (niet de la consanguinité, à la création des idées reçues dans un sport). Au moins les premières années de pratique.

J’interdirai les tests physiques trop spécifiques à un sport, j’imposerai des tests spécifiques à chaque qualité développée. Si j’ai une partie vitesse, je fais un test de vitesse avant-après le cycle. Je n’ai pas besoin de savoir s’il a progressé au test des navettes ou au T-test. Cela rejoint le principe de la consanguinité : on pense trop à préparation physique = entraînement du sport orienté force ou endurance ou résistance ou détente ou autre. Au final, les yeux dans le guidon on ne voit plus les choses de manière objective. Les tests sont souvent utilisés pour voir la progression dans les besoins de la discipline, pas pour en valider l’origine. Les tests disciplines sont du ressort de l’entraîneur ; le préparateur physique doit valider son travail sur les qualités qu’il a développées.

Maintenant que j’ai dit ce qui ne me plait pas, je ne vais pas donner des recettes en expliquant qu’il n’existe qu’une manière de travailler (je referai les mêmes erreurs que ce que je t’ai présenté plus haut et surtout je n’ai pas la légitimité pour cela). Je vais plutôt t’expliquer comment je mets en place les entraînements, mise en place qui est forcément adaptée à chaque athlète (je crois que je n’ai donné que 2 fois un cycle identique à 2 athlètes différents) :

  • Début de saison, tests d’intégrité physique, de schémas corporels dynamiques pour anticiper les problèmes de mobilité et d’équilibre musculaire. Ce premier cycle permet donc de travailler spécifiquement ce qui est le core training, le functional movement en étant personnalisé au mieux.
  • Puis un cycle pour remettre en place ce qui doit l’être (retrouver le niveau de la saison précédente). Cela permet également de renforcer les zones fragiles et de remettre le système cardio-vasculaire en état. Ce cycle peut être utilisé sur différentes durées en fonction des résultats des tests. Je m’en sers également lorsque j’ai un client qui vient pour un problème postural ou de bobo récurrent.
  • Ensuite, sauf pour les sports de force où cette qualité est développée par l’entraîneur, j’attaque directement par une phase de préparation force puis sur un travail de force spécifique au sport (sur le reps range spécifique).
  • Le cycle suivant est le travail de la vitesse pour utiliser cette nouvelle force et arriver progressivement à la puissance souhaitée.
    Je termine par la partie spécifique au sport en développant l’endurance de puissance (ou de force ou de vitesse) en orientant cette endurance vers les gestes voulus.
    Et je recommence. Généralement j’aime bien travailler avec 3-4 semaines par cycle, en pouvant mêler les qualités si le niveau de départ le permet (par exemple si la force est suffisante).

Tout ceci est très schématique, puisque les sports à compétitions rapprochées comme en football, demandent un niveau de condition physique minimal à chaque match. Là on sera plutôt dans une préparation avant saison et en saison (tout en gardant une évolution de la condition jusqu’à un objectif principal ou une date clé pour le club).

En gros je propose de travailler à l’envers de ce que l’on apprend aux entraîneurs : l’endurance c’est le spécifique sport. Les briques qui permettent la performance, la condition physique et l’endurance spécifique sont les qualités physiques (force, souplesse, détente, santé, puissance…) et jusqu’à ce jour, il vaut mieux fabriquer les briques avant la maison.

Si tu devais casser 1 mythe dans l’entraînement sportif, lequel serait-il ?

Casser, casser…Celui dans lequel j’ai plongé quand j’étais plus jeune : le no pain no gain

Je suis un compétiteur. Je ne sais pas faire de sport sans objectifs, sans avoir à atteindre un niveau voulu et surtout sans faire au moins ce qui est prévu à l’entraînement. Ado et jeune adulte, cela se traduisait par ‘personne devant moi à l’entraînement’, quel que soit le niveau des partenaires d’entraînement. Et au final, eux performaient en compétition, moi je faisais au mieux ce que je faisais à l’entraînement. Ce n’est que ma rencontre avec John Smith qui m’a fait comprendre ça, mais trop tard.
Résultat, après 10 ans d’arrêts d’athlétisme et 6 mois de reprise de sprint (à 33 ans) j’ai fait des temps presque équivalent à ce que je faisais à 22 ans. Cherchez l’erreur !
Cela ne veut pas dire que l’entraînement est facile à faire, mais qu’au final être toujours au taquet n’apportera pas grand-chose. Chaque chose en son temps, il y a des moments pour souffrir et d’autre pour progresser.

Je te remercie beaucoup pour ton temps Sébastien. Je te laisse le mot de la fin :

Je te remercie également. Je ne vois pas trop quoi ajouter sauf peut-être que ‘la vérité est ailleurs’ et qu’il ne faut pas se satisfaire de ce que l’on a pour progresser en sport.

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